Santé

Perturbateurs endocriniens : BPA et DEHP

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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Les perturbateurs endocriniens (PE) provoquent des troubles de santé chez l’homme ou l’animal par dérèglement de leur système hormonal (changements de morphologie, de physiologie, de croissance, de reproduction, de développement ou de durée de vie). Ces effets néfastes peuvent s’observer après exposition à un perturbateur endocrinien isolé ou en mélange, même à faible dose, tant sur l’organisme humain exposé que sur ses descendants. Aujourd’hui, le défaut de réglementation spécifique, faute de définition commune à l’ensemble des PE, rend difficile leur régulation Le bisphénol A (BPA) et le DEHP (phtalate de di-2-éthylhexyle), utilisés depuis cinquante ans pour la fabrication de certains plastiques et de résines, sont des substances considérées comme perturbateurs endocriniens par de nombreux organismes internationaux. Bien que leur usage soit aujourd’hui restreint, elles demeurent des sources de contamination environnementale et d’imprégnation de la population.

Les perturbateurs endocriniens, des substances chimiques préoccupantes encore faiblement encadrées

Le système endocrinien comprend les organes sécrétant des hormones. L’OMS définit un perturbateur endocrinien (PE) comme « une substance exogène ou un mélange qui altère la/les fonction(s) du système endocrinien et, par voie de conséquence, cause un effet délétère sur la santé d’un individu, sa descendance ou des sous-populations ». Hormones naturelles ou de synthèse, produits chimiques ou sous-produits industriels, les PE sont d’une grande diversité. L’étude de leurs effets est confrontée à plusieurs difficultés : doses d’exposition à ces substances, délai d’apparition des effets délétères, existence de périodes de vulnérabilité des populations face au risque toxique (période prénatale, avant/après la puberté, effet transgénérationnel), effet cocktail, etc.

Par ailleurs, le défaut de réglementation spécifique applicable aux PE, en raison de l’absence d’une définition commune à l’ensemble des PE, rend difficile leur régulation. En 2017, une définition réglementaire européenne a été adoptée pour les PE utilisés comme principes actifs biocides (règlement délégué 2017/2100 du 4 septembre 2017). En 2018, les PE utilisés comme pesticides ont, à leur tour, fait l’objet d’une définition européenne (règlement 2018/605 de la Commission européenne du 19 avril 2018), mais celle-ci n’est, pour le moment, pas intégrée au sein du règlement européen REACH (règlement CE 1907/2006 du 18/12/06 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques).

Le BPA et le DEHP, des PE de la vie quotidienne sous surveillance

Le bisphénol A (BPA) et le DEHP (phtalate de di-2-éthylhexyle) sont utilisés depuis cinquante ans pour la fabrication de certains plastiques et de résines. Ils entrent dans la composition de nombreux produits de consommation courante, tels que les emballages alimentaires plastiques, les équipements domestiques et automobiles, les jouets et articles de puériculture ainsi que les équipements médicaux. Le BPA peut aussi être présent dans les produits de consommation en polycarbonate, les emballages avec un film protecteur (revêtements intérieurs de boîtes de conserve, canettes) et les papiers (tickets de caisse).

Le DEHP entre dans la composition de certains produits d’entretien ménager, de peintures, de films, de tissus ou encore de papiers enduits. Ces deux substances sont considérées comme des PE, notamment par le PNUE et l’OMS depuis 2012. Elles sont également identifiées comme extrêmement préoccupantes pour la santé humaine et classées comme PE pour la santé humaine au titre du règlement Reach en 2017. En outre, le DEHP est classé comme substance cancérigène possible (groupe 2B) par le Circ et comme substance toxique pour la reproduction (groupe 1B) dans le cadre du règlement européen 1272/2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges.

La période d’exposition prénatale au BPA et au DEHP apparaît comme particulièrement critique car elle est susceptible d’altérer le développement du fœtus et d’entraîner des effets précoces pouvant avoir des conséquences pathologiques à l’âge adulte (effet DOHaD).

Le BPA fera, à compter de 2020, l’objet d’une utilisation restreinte dans le papier thermique (utilisé notamment pour les tickets de caisse) au sein de l’Union européenne suite à l’adoption du règlement européen CE 2016/2235 du 12 décembre 2016. En guise de substitution, des industriels ont désormais recours au bisphénol S (BPS). Dans un rapport de 2013, l’ANSES a relevé que l’activité oestrogénique de ce composé, commune à la famille des bisphénols, pourrait également s’avérer néfaste pour le consommateur et a appelé à porter une attention particulière quant à son utilisation. Plus largement, l’agence souligne l’absence de données toxicologiques suffisantes pour évaluer la toxicité des autres substituts au BPA.

Une contamination des milieux aquatiques

Le risque sanitaire ou environnemental lié à la présence de ces substances dans les milieux naturels est difficile à estimer en l’absence de valeurs de référence de toxicité liées à la perturbation endocrinienne.

En France, le BPA et le DEHP entrent dans le panel des substances chimiques recherchées dans le cadre de la surveillance de la qualité des eaux souterraines et superficielles. Si un suivi est effectué sur une large part du territoire depuis une dizaine d’années, celui-ci n’est toutefois pas systématique. Cependant, lorsqu’elles sont recherchées, ces deux substances sont régulièrement détectées, en particulier dans les eaux superficielles.

Ainsi, pour les cours d’eau et les lacs, le DEHP présente une concentration supérieure à 1 nanomole/litre (nmol/l) dans plus de la moitié des mesures effectuées. C’est également le cas du BPA, qui est quantifié dans plus du tiers des mesures effectuées.

Dans les eaux souterraines, des concentrations supérieures à 1 nmol/l sont retrouvées dans deux mesures sur dix pour le BPA et dans 40 % de celles effectuées pour le DEHP. Les valeurs de référence environnementales actuelles sont respectivement de 3,3 et 7 nmol/l pour le DEHP et le BPA, mais elles ne prennent pas en compte l’activité de perturbateur endocrinien de ces substances.

Des substances présentes dans l’air intérieur des logements

L’air et les poussières intérieures présentes notamment dans les logements, les bureaux, les écoles et les voitures, sont également une source d’exposition au BPA et au DEHP. En effet, ces substances peuvent être émises par les équipements et les mobiliers. Le BPA et le DEHP font ainsi l’objet de mesures dans l’air intérieur des logements, menées par l’OQAI. Leur présence est avérée dans l’ensemble des logements enquêtés.

De même, dans les poussières déposées au sol et collectées dans le sac de l’aspirateur domestique, le DEHP est détecté dans l’ensemble des logements. Il s’agit de la substance aux concentrations les plus élevées parmi les six phtalates recherchés. Le BPA est également présent dans tous les logements français mais avec des concentrations cent fois plus faibles que celles du DEHP.

L’alimentation, principale source d’exposition

L’alimentation est la principale source d’exposition de la population au BPA et au DEHP, notamment en raison de la capacité de ces substances à migrer des emballages et contenants dans lesquels ils sont présents vers les aliments et boissons consommés. L’étude de l’alimentation totale infantile, conduite par l’Anses en 2016, a permis d’évaluer le niveau de présence de ces substances dans l’alimentation. Les teneurs les plus élevées de BPA ont ainsi été mesurées dans les conserves d’aliments courants. Des traces de DEHP ont également été retrouvées dans des plats préparés pour bébés, en particulier dans ceux ayant des contenants en plastique où les taux de détection étaient les élevés. À l’issue de l’évaluation du risque toxicologique, le BPA a été classé par cette étude dans la catégorie « risque ne pouvant être exclu » et le DEHP parmi les risques jugés tolérables ou admissibles.

Résidus de BPA quantifiés dans l’alimentation en 2016

Illustration 1127
Illustration 1127

Source : Anses, EATi 2016

Traitements : SDES, 2019

Résidus de DEHP quantifiés dans l’alimentation en 2016

Illustration 1128
Illustration 1128

Source : Anses, EATi 2016

Traitements : SDES, 2019

De multiples voies d’imprégnation au sein des logements

En France, l’imprégnation des femmes enceintes par le BPA et le DEHP a été mesurée chez des participantes de la cohorte Elfe, ayant accouché en 2011. Les niveaux d’imprégnation sont généralement plus faibles que ceux mesurés dans les études antérieures françaises et étrangères. Cette diminution peut être liée à des différences méthodologiques entre les études (évolution de la méthode de dosage, mode de recueil des prélèvements urinaires, population d’étude, etc.), mais aussi à l’impact des restrictions d’usages, en particulier pour le DEHP.

Il ressort également de cette étude que l’imprégnation des femmes enceintes par le BPA augmente selon la consommation d’aliments susceptibles d’avoir été en contact avec des matières plastiques ou des résines contenant du BPA (aliments pré-emballés dans du plastique ou en boîtes de conserve, vin, eau en bouteille ou en bonbonne). Elle croît également lorsque du linoléum est présent au domicile et en cas d’utilisation prolongée de la télévision, suggérant une exposition au BPA par inhalation dans l’air intérieur liée aux équipements du logement, voire à l’ingestion de poussières contaminées. Le fait d’accoucher par césarienne est aussi associé à des niveaux d’imprégnation par le BPA plus élevés. Cela pourrait en partie être lié à une exposition récente et ponctuelle au contenu du matériel médical (perfusion, sonde urinaire, etc.).

Faire progresser la recherche et la surveillance des PE pour réduire l’exposition des populations

L’exposition de la population française au BPA et au DEHP est en cours d’analyse (étude de santé Esteban 2014-2016 sur la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition). Les résultats fourniront la première photographie nationale de l’imprégnation des enfants âgés de 6 ans à 18 ans, vivant en France métropolitaine.

Améliorer la prévention nécessite de mieux connaître les PE et surveiller les imprégnations des populations. À cet égard, en 2014, l’État a adopté la première stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens qui visait à articuler recherche, surveillance et réglementation pour prévenir et limiter l’exposition de la population, et en particulier les plus vulnérables (femmes enceintes, enfants). La deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs 2019-2022 devrait poursuivre ces objectifs.

Cet article est un extrait du focus Environnement et santé.

Agir

Vers une réglementation renforcée sur les perturbateurs endocriniens

Le Forum européen sur les perturbateurs endocriniens permettra aux représentants des pays, industriels, chercheurs, associations et ONG de discuter des besoins, lacunes et solutions pour une meilleure gestion de ces substances.

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