Économie

Introduction d’entités nouvelles dans la biosphère

Mis à jour le | Commissariat général au développement durable

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L’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère est la neuvième des neuf limites planétaires. En 2009, définie sous l’intitulé « pollution chimique » (Rockström et al.), elle désignait les éléments radioactifs, les métaux lourds et de nombreux composés organiques d’origine humaine présents dans l’environnement.

Enjeux globaux

Deux principaux facteurs ont conduit à considérer la pollution chimique comme une limite planétaire : d’une part, en raison de ses effets néfastes sur le développement physiologique de l’homme et sur le fonctionnement des écosystèmes ; d’autre part, car elle agit comme une variable lente qui affecte d’autres limites planétaires. En effet, la pollution chimique peut avoir des répercussions sur la limite « érosion de la biodiversité » en réduisant l’abondance des espèces et en augmentant potentiellement la vulnérabilité des organismes à d’autres menaces (changement climatique). Elle interagit également avec la limite « changement climatique » par les rejets de mercure dans l’environnement (via la combustion du charbon) et par les émissions de CO2 dues aux produits chimiques industriels (dérivés du pétrole).

Fixer un seuil pour la pollution chimique nécessite de connaître l’impact de l’exposition aux différentes substances sur les organismes et dans l’environnement. Compte tenu de la quantité importante de produits chimiques en circulation, définir une limite planétaire unique issue des effets combinés de ces produits n’a pas été possible. Deux approches complémentaires ont tout de même été proposées : l’une consistant à se concentrer sur les polluants persistants ayant des impacts à l’échelle globale, l’autre à identifier les effets néfastes, à long terme et à grande échelle, de la pollution chimique sur les organismes vivants.

Lors de la révision du modèle conceptuel (Steffen et al., 2015), le périmètre de la limite, rebaptisée « introduction d’entités nouvelles dans la biosphère », a été redéfini. Il s’applique désormais aux nouvelles substances chimiques, aux nouvelles formes de substances existantes et aux formes de vie modifiées susceptibles d’avoir des effets indésirables sur les écosystèmes, les organismes vivants et la santé. L’introduction anthropique de ces entités dans l’environnement est d’autant plus préoccupante à l’échelle mondiale qu’elles sont persistantes, se déplacent et s’étendent sur de grandes échelles géographiques.

À cette longue liste de substances chimiques, viennent s’ajouter les nanomatériaux et les polymères plastiques mobilisés par les activités humaines et qui ne sont pas sans risques pour la santé humaine et l’environnement. De plus, les émissions de CFC (chlorofluorocarbones), issues de ces nouvelles entités, ont des effets majeurs sur la couche d’ozone stratosphérique.

Malgré les avancées de la recherche, aucune analyse n’a permis à ce stade de déterminer un seuil critique caractérisant la limite dans son ensemble. Des actions de prévention sont menées notamment via la chimie verte. L’objectif est de mieux comprendre et de surveiller les processus vitaux de la planète pour détecter au plus vite les effets perturbateurs de ces nouvelles substances sur l’homme et l’environnement.

Situation de la France

La France, par ses activités, ses modes de production et de consommation, contribue aux rejets de polluants chimiques dans l’environnement. Compte tenu de la multiplicité des substances et des enjeux nationaux, trois types de polluants sont traités ici : les déchets plastiques en mer, les déchets nucléaires, les variétés tolérantes aux herbicides. D’autres sources de pollutions prises en compte dans cette limite (nanomatériaux, perturbateurs endocriniens, etc.) pour lesquelles la France a une part de responsabilité, sont développées dans d’autres parties du rapport.

Déchets plastiques : entre 5 et 13 millions de tonnes rejetées chaque année dans les océans

Le plastique, utilisé depuis les années 1950, représente un enjeu environnemental majeur, lié à la fois à la consommation de ressources nécessaires à sa fabrication et à la production de déchets qu’il engendre.

Entre 1950 et 2017, la production mondiale de matières plastiques n’a cessé d’augmenter, passant de 1,5 million de tonnes en 1950 à 350 millions de tonnes en 2017, soit respectivement 0,6 kg/habitant et 46 kg/habitant. En 2015, 15 % des déchets plastiques mondiaux sont collectés pour être recyclés, 25 % sont incinérés et 60 % sont mis en décharge. Selon PlasticsEurope, en France, en 2016, sur les 3,4 millions de tonnes collectés, 22 % des déchets plastiques et 26 % des déchets d’emballages plastiques sont recyclés.

Chaque année, entre 5 et 13 millions de tonnes de déchets plastiques sont rejetés en mer. 80 % proviennent de la terre et 20 % des activités maritimes. Les sources des déchets terrestres sont multiples : déchets urbains, tourisme, décharges illégales, produits cosmétiques, fibres de polyester et acryliques. La moitié des déchets retrouvés sur les plages européennes sont des plastiques à usage unique : bouteilles, capsules, couvercles, mégots de cigarette, bâtonnets de coton-tige, sachets de chips, papiers de bonbons, objets sanitaires, sacs en plastique, couverts, pailles, etc.

Les déchets plastiques sont déversés dans les océans le plus souvent par les égouts ou les rivières. Ils peuvent également être liés à des phénomènes naturels (tempête, tsunami, crue, etc.). Ils arrivent sous forme de macroplastiques ou de microplastiques. Les microplastiques sont des minuscules particules de plastique ayant une taille inférieure à 5 millimètres. Il en existe deux catégories : les microplastiques primaires et les microplastiques secondaires.

Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les microplastiques primaires proviennent de la dégradation des textiles (35 %), de la dégradation des pneus (28 %), des poussières urbaines (24 %), ou ont été ajoutés intentionnellement aux produits (agents de lavage dans des détergents, microbilles exfoliantes dans des cosmétiques, etc.).

Les microplastiques secondaires sont le résultat de macroplastiques qui se répandent en mer (via le tourisme, la pêche, l’industrie de démantèlement des navires, etc.) et se dégradent lentement en petits fragments sous l’effet des courants marins et des UV notamment.

La pollution marine par les déchets plastiques a de multiples conséquences sur l’environnement, l’économie et la santé. Une « soupe de plastique » se forme dans les océans, provoquant notamment l’étranglement des mammifères marins et des oiseaux dans les filets, mais également l’altération de l’équilibre des écosystèmes du fait du transport d’espèces invasives sur de longues distances, etc.

Les microplastiques, ingérés par de nombreux organismes marins (cétacés, mollusques, plancton ou poissons), se retrouvent dans la chaîne alimentaire. De plus, le plastique contient des additifs chimiques qui peuvent être des perturbateurs endocriniens. Selon l’UICN, au niveau mondial, en moyenne 700 espèces marines sont touchées, dont 17 % menacées ou en danger critique d’extinction.

Sur le plan économique, le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) estime à 13 milliards de dollars le coût annuel, en capital naturel, des déchets plastiques présents dans les océans. Le coût pour l’Europe représente 470 millions d’euros, selon la Commission européenne.

Face à ces enjeux environnementaux, économiques et sanitaires planétaires, le PNUE, chargé d’évaluer l’efficacité des approches internationales en matière de lutte contre les déchets plastiques en mer, souligne l’absence d’institution dédiée à l’échelle mondiale. Seule existe la convention internationale MARPOL (MARine POLlution) pour la prévention de la pollution par les navires, qui depuis 1988, interdit le rejet à la mer de matières plastiques.

En France, plusieurs mesures visant à réduire ou supprimer l’utilisation du plastique sont en place : le plan Biodiversité (2018), la loi pour la reconquête de la biodiversité (2016), la loi de transition énergétique pour la croissance verte (2015), etc.
La création d’une filière REP visant à gérer les mégots de cigarettes sera à l’étude dans le cadre du projet de loi Déchets en 2019. Enfin, dans la feuille de route pour l’économie circulaire, la France se donne pour objectif de recycler 100 % des déchets plastiques en 2025.

Déchets nucléaires : la France contribue à hauteur de 19 % aux déchets nucléaires mondiaux

Autre enjeu environnemental national, 77 % de l’électricité en France est produite à partir de centrales nucléaires. La France possède 13 % des réacteurs nucléaires mondiaux en fonctionnement et produit 18 % de l’électricité d’origine nucléaire.
En 2013, un peu moins de 1,5 million de m3 de déchets radioactifs sont présents sur le territoire, ce qui représente un cinquième des déchets nucléaires mondiaux (soit 19 %). Ce volume a augmenté de 58 % entre 2002 et 2016.

Il existe principalement cinq catégories de déchets classés selon leur filière de stockage qui dépend de deux critères, leur niveau de radioactivité et leur durée de vie.

Alors que les déchets de très faible activité et les déchets de faible et moyenne activité à vie courte sont stockés pendant la durée nécessaire à leur décroissance radioactive, les déchets de haute activité, de moyenne activité à vie longue et de faible activité à vie longue, sont entreposés dans l’attente de centres de stockage adaptés.

Stocks de déchets radioactifs à vie longue
Illustration 1457
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Note : les déchets HA et MA-VL incluent les déchets de pays étrangers, en attente d’expédition. 1,8 % des HA et 2,7 % des MA-VL présents sur le territoire sont d’origine étrangère. Prévisions 2020 et 2030 (scénario SR2 : renouvellement du parc électronucléaire par des EPR et Réacteurs à neutrons rapides) établies à fin 2013.

La France contribue à hauteur de 18 % des déchets mondiaux de haute activité, soit 3 208 m3 équivalent conditionné en 2013. 1,8 % de ces déchets proviennent de pays étrangers et sont en attente d’expédition. Ils sont issus des activités liées à l’industrie électronucléaire, à la recherche et à la défense nationale, et sont constitués de substances non valorisables issues du retraitement des combustibles usés. La plupart de ces déchets sont incorporés dans du verre puis conditionnés dans des fûts en acier inoxydable.

La France génère 30 % des déchets de faible et moyenne activité à vie longue (soit environ 135 000 m3 équivalent conditionné en 2013). Ces déchets proviennent essentiellement du retraitement des combustibles usés et des activités de maintenance et de fonctionnement des usines de retraitement. Parmi ces déchets, figurent également des déchets issus de pays étrangers, en attente d’expédition (2,7 % des déchets de moyenne activité à vie longue).

La France contribue à 13 % des déchets mondiaux de faible et moyenne activité à vie courte (soit environ 878 000 m3 équivalent conditionné en 2013). Ces déchets sont principalement issus du fonctionnement de la maintenance et du démantèlement des installations nucléaires de base.

Enfin, la France contribue à 81 % des déchets mondiaux de très faible activité (soit environ 436 000 m3 équivalent conditionné en 2013). Ce type de déchets recouvre les déchets issus du fonctionnement (gravats, consommables, tenues de protection), de la maintenance et du démantèlement des installations nucléaires de base. La France, à la différence de nombreux pays, ne retient pas de « seuil de libération » pour ce type de déchets, ce qui explique la part importante de ces déchets comptabilisée pour la France. En effet, les autres pays envoient ce type de déchets dans des filières de traitement classiques (non nucléaires) dès que l’activité du déchet est située en dessous d’un seuil.

Les volumes prévisionnels de déchets radioactifs français sont estimés à 1,8 million de m3 en 2020, dont 144 100 m3 de déchets de haute activité et à vie longue. Les volumes estimés pour 2030 représentent 2,5 millions de m3, dont 178 500 m3 de déchets de haute activité et à vie longue suivant les estimations de l’ANDRA établies en 2013 sur la base des déclarations des producteurs de déchets, pour le scénario SR2 (durée de vie des réacteurs de 50 ans et renouvellement du parc électronucléaire par des EPR et des réacteurs à neutrons rapides).

Stocks de déchets radioactifs à vie longue
Illustration 1457
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Note : les déchets HA et MA-VL incluent les déchets de pays étrangers, en attente d’expédition. 1,8 % des HA et 2,7 % des MA-VL présents sur le territoire sont d’origine étrangère. Prévisions 2020 et 2030 (scénario SR2 : renouvellement du parc électronucléaire par des EPR et Réacteurs à neutrons rapides) établies à fin 2013.

Variétés tolérantes aux herbicides (VTH) : 158 000 ha de tournesol et 37 000 ha de colza en 2016

En France, le désherbage des cultures constitue un facteur déterminant des rendements agricoles. La France est le premier utilisateur d’herbicides en Europe (près de 30 000 tonnes vendus en 2017). Toutefois, pour mettre fin au désherbage chimique pratiqué jusque-là et néfaste à l’environnement, une nouvelle démarche a vu le jour en 1996 : la sélection de variétés végétales tolérantes aux herbicides (VTH).

Les variétés de plantes cultivées sont obtenues par sélection pour leur capacité à tolérer l’application d’une substance herbicide existante. Elles visent à proposer aux agriculteurs une réponse technique à des difficultés de désherbage. Les VTH les plus répandues dans le monde sont issues de la transgenèse, d’autres sont obtenues par des techniques de sélection de la variabilité naturelle, ou par des techniques de mutagenèse.

La commercialisation de cultures biotechnologiques a débuté en 1996 afin de procurer une résistance aux insectes nuisibles ou de rendre tolérante une plante à un herbicide. En France, la seule espèce ayant fait l’objet d’une culture commerciale est le maïs (MON810). Depuis 2008, ce type de cultures est interdit en France en raison de dispositions législatives et réglementaires. En 2015, la France, comme 19 États membres de l’Union européenne, a obtenu que tout ou partie de son territoire soit exclu de la portée géographique des autorisations de mise en culture existante ou à venir.

Or, cette interdiction ne porte que sur certaines techniques (transgenèse) produisant des OGM au sein du champ d’application de la directive 2001/18/CE. Par conséquent, les techniques de mutagenèse et de fusion cellulaire, utilisées pour produire les semences de VTH, sont exclues de cette interdiction. Ainsi, en 2016, les VTH représentent 158 000 ha de tournesol, soit 27 % de la surface totale de tournesol (contre 144 000 ha et 22 % en 2015) et 37 000 ha de colza, soit 2,6 % de la surface totale de colza semé en France (contre 17 000 ha et 1,2 % en 2015).

Jusqu’en 2018, les VTH obtenues par mutagenèse n’entraient pas dans le champ d’application de la réglementation européenne. Par arrêt du 25 juillet 2018, la Cour de Justice de l’Union européenne considère que les organismes obtenus par mutagenèse sont des OGM au sens de la directive sur les OGM, dans la mesure où les techniques et méthodes de mutagenèse modifient le matériel génétique d’un organisme d’une manière qui n’est pas naturelle. Il s’ensuit que ces organismes relèvent, en principe, du champ d’application de la directive sur les OGM et sont soumis aux obligations prévues par cette dernière.

Des études (Expertise collective de l’INRA) et les expériences vécues aux États-Unis montrent qu’une utilisation non raisonnée pourrait entraîner l’acquisition de résistances par les adventices (« mauvaises herbes ») et ainsi, une perte du bénéfice de la mutation avec pour conséquences un épandage d’herbicides de plus en plus important et des impacts sur l’environnement. Les recommandations pour limiter ces risques concernent notamment la rotation des cultures et des traitements. Il est nécessaire de rester vigilant sur l’utilisation de ces cultures.

Surface semée en variétés de tournesol tolérantes aux herbicides (VTH)
Illustration 1458
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Cet article est un extrait du rapport de synthèse de l’édition 2019 du rapport sur l’environnement en France.

Ressources

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